Les cinq credits - Bonne décision, mauvais timing
Les cinq credits
Bonne décision, mauvais timing
On ne le dit pas assez : près d’un jeune sur quatre de ce pays est en chômage.
Au 30 septembre 2019, ils étaient au nombre de 16 300, soit 23,4% de la
population des jeunes de la République. C’est un problème récurrent qui s’est
manifesté depuis plusieurs années déjà, et on ne cesse de répéter que c’est le
résultat d’une inadéquation entre l’offre d’emplois (soit les divers types de
postes à remplir dans les entreprises de ce pays) et la demande d’emplois (soit
les qualifications et aptitudes des jeunes à la recherche de travail rémunéré).
C’est ce constat qui mène à penser que la présente réforme scolaire est un pas
dans la bonne direction.
En premier lieu, le couperet intervient dorénavant, non plus à l’âge tendre de
11 ans (sacré CPE !), mais trois ans plus tard, avec les examens du Grade 9 au
niveau national et dont la première édition se déroulera cette année.
Il est opportun de se rappeler la logique qui sous-tend l’introduction de cet
examen. Il vise à départager les élèves en deux grands groupes :
- Ceux qui poursuivront des études académiques menant au School
Certificate et éventuellement au Higher School Certificate , et
- Ceux qui seront dirigés vers la formation à divers types de métiers,
laquelle leur sera dispensée par le MITD (Mauritius Institute for Training
and Development) dans le secteur public de l’éducation et, par exemple,
par le Collège Technique Saint Gabriel dans le secteur privé. Il est,
toutefois, impérieux que le MITD soit géré de manière professionnelle
afin que les cours dispensés par lui soient à la hauteur des besoins des
apprenants.
De plus, lorsque les étudiants de ces deux groupes respectifs auront
terminé leur parcours scolaire, ils pourront aborder le tertiaire, les
premiers dans une institution universitaire, les seconds dans des écoles
de formation professionnelle, tels que Polytechnics Mauritius.
Il est impérieux que ces deux grandes filières issues du nouvel examen de
grade 9 soient considérées à leur juste valeur respective et que disparaisse,
chez nous tous, Mauriciens, cette opinion erronée à l’effet que seul comptent
les études académiques, alors que la formation à des professions et à des
métiers techniques mène à un statut inferieur. Tant que persistera cette
erreur de jugement, les parents continueront à ne désirer que le parcours
académique pour leurs enfants, sans tenir en ligne de compte leurs aptitudes
et leurs capacités.
Il revient aux autorités à aider à ce changement d’attitude. Par exemple, elles
pourraient attribuer des bourses d’étude plus poussée à des lauréats issus
des filières non académiques. De plus, les métiers concernés devraient jouir
d’une reconnaissance officielle de la part des autorités et être, en
conséquence, adéquatement rémunérés. En somme, il faut absolument
revaloriser les métiers, aussi bien de point de vie méritocratique que
pécuniaire.
Et il y a lieu de penser que les porteurs de diplômes professionnels issus de ces
filières revalorisées seront plus à même que jusqu’ici de remplir des postes
vacants dans les entreprises de ce pays. Il en résulterait, non seulement une
diminution du chômage des jeunes, mais aussi un moindre recours à des
travailleurs étrangers dans ces filières auxquelles les jeunes d’aujourd’hui n’ont
pas été formés lors de leurs études secondaires, sinon tertiaires.
Telles sont les raisons qui mènent a la conclusion que le critère des cinq
credits aux examens du SC est un pas dans la bonne direction. Il donne aux
étudiants concernés une deuxième chance (après l’épreuve de tri et de
sélection du grade 9) de rejoindre la filière des métiers où ils seront plus à
même de mettre leurs aptitudes à contribution et de progresser dans leur vie
de travail.
C’est l’absence de cette deuxième chance qui fait problème dans la présente
controverse autour de la décision des autorités d’introduire le critère des cinq
credits dès 2020. Tous ceux qui se voient interdits d’accès en HSC n’ont pas
connu l’étape d’épuration du grade 9, puisque c’est en cette année 2020 que
commence cet exercice. On peut, dès lors, comprendre la frustration des
parents, des enseignants, bref de tous ceux qui sont touchés par cette
décision. Il est permis de penser qu’en 2022, le pourcentage des étudiants au-
dessous du niveau des cinq credits (soit environ 7 sur 10) sera significativement
inférieur à celui de 2020, compte tenu de la sélection qui aura été opérée en
2020.
Si les autorités avaient attendu l’année 2022 pour introduire le critère des cinq
credits, celui-ci ne se serait alors appliqué qu’aux « académiques ». On aurait
alors pu mieux discerner la ou les causes de leur insuccès et moins de parents
auraient été déçus de la performance de leurs enfants.
La présente reforme éducative est louable. Elle arrive tard, malheureusement,
et c’est sans doute pourquoi les autorités sont pressées de la mettre en œuvre.
Mais il ne faut pas brûler les étapes : cela risque de mettre à mal toute la
réforme éducative.
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