La contribution sociale generalisée
La contribution sociale generalisée
Cotisations sous gémissements
La terre tourne et les temps changent. Celui qui détient le portefeuille de
ministre des Finances depuis fin 2019 est de formation française et il ne cache
pas son attachement aux idées du socialiste anti-Mitterrand qu’a été Michel
Rocard. Et parmi ces idées, il y a la CSG (Contribution sociale généralisée).
Pesons bien les mots : il s’agit d’une contribution, donc d’un paiement imposé,
c’est-à-dire d’une taxe. Elle a pour objectif le financement du social, et non de
l’économie ou du sanitaire, par exemple. Et elle est généralisée. En France, la
CSG est prélevée sur les types de revenus suivants : ceux provenant des
activités (les gages et salaires), ceux provenant des placements(les dividendes,
les plus-values, les loyers) et ceux provenant des revenus de remplacement
(pensions de retraite, et même allocations chômage !). Plus généralisée que
cela, tu meurs !
A Maurice, pour commencer l’aventure, on nous annonce une CSG qui servira
d’ici 2023, à hausser la pension universelle des personnes, âgées de 65 ans ou
plus, (voir la note 1, ci-dessous) de Rs. 9 000 à Rs.13 500. On se rappellera
que celle-ci fut la grande, et très efficace, promesse électorale de 2019, vu le
poids grandissant des seniors dans l’électorat. Mais les nombreuses
interrogations, alors posées, quant au financement de ces largesses à venir,
restèrent sans réponse.
La réponse, la voici maintenant, c’est la CSG.
Les actifs paieront pour ceux qui sont à la retraite, y compris pour ceux qui
ont encore un emploi et pour ceux qui touchent déjà une pension privée
achetée par leur employeur durant leur vie active. Avis aux actifs, aux
trentenaires et aux quarantenaires des prochaines décennies. Réduits en
nombre, en raison de l’hiver des naissances qui dure depuis une vingtaine
d’années à Maurice, ils risquent fort d’avoir à puiser davantage de leurs
revenus pour faire face à l’avalanche des pensions à verser à des seniors de
plus en plus nombreux. Souhaitons que les étrangers, auxquels il faudra avoir
recours pour parfaire au manque de main -d’œuvre, seront également
assujettis à la CSG et à l’income tax !
L’univers des pensions à Maurice
Il est bon de rappeler que l’univers des pensions à Maurice est composé de
trois systèmes : le Basic Retirement Pension, (BRP) aussi connu comme le old
age pension ou pension universelle, le National Pensions Fund, (NPF) et son
compagnon d’écurie, le National Savings Fund, (NSF) et enfin les fonds de
pension privés. Le mode de financement de ces trois systèmes est comme suit :
- Le BRP est puisé, d’année en année, du Consolidated Fund, c’est-à-dire
du budget national. Il est offert à tous les citoyens résidents dans la
République, d’où sa désignation comme étant universelle. C’est ce BRP
qui a fait l’objet d’une promesse électorale à l’effet que son actuel taux
mensuel de 9 000 roupies sera rehaussé à 13 500 roupies en 2023, à la
fin du mandat du présent gouvernement. Durant l’exercice financier
2019-20 qui se termine au 30 juin prochain, le montant total puisé du
Consolidated Fund au titre du BRP est estimé à 31,3 milliards de
roupies ; les estimations pour l’exercice à venir (2020-21) sont
égales à 35,6 milliards. A titre de comparaison, les estimations des
dépenses budgétaires pour l’éducation publique sont égales à
16,8 et 15,8 milliards respectivement. Quelle frappante illustration
des priorités stratégiques de nos gouvernants ! Les pensions de
retraite deux fois plus coûteuses que l’éducation et la formation
des jeunes ! Il est vrai que les écoliers ne votent pas et que les
étudiants ne s’en soucient guère.
- Le NPF et le NSF sont, comme leur nom l’indique, des fonds
alimentés mensuellement par des contributions perçues auprès
des employeurs et des employés des entreprises. Les taux sont
comme suit : l’employeur paie respectivement 6% et 2,5% pour le
NPF et le NSF, tandis que l’employé doit s’acquitter de 3% et
de 1% respectivement. Les fonds de pensions dits privés sont
ceux auxquels contribuent les entreprises privées, et ils sont, dans
l’ensemble, offerts aux employés, les primes étant à la charge des
employeurs. Ces fonds sont gérés par des compagnies
d’assurance et bénéficient des services spécialisés des actuaires.
Dans cet univers, signalons la présence du SIPF (Sugar
IndustryPension Fund) qui, comme son nom l’indique, a un régime
particulier pour les employés des compagnies sucrières, lesquelles
sont redevables des primes à payer.
Irruption de la CSG
C’est dans cet environnement que la CSG annonce son arrivée en fanfare.
Tous les Mauriciens ayant une activité économique devront y contribuer, y
compris les personnes travaillant pour leur propre compte. Par ailleurs, le
NPF mourra d’une pénible mort lente, puisqu’il continuera à honorer les
pensions en cours, mais ne recevra plus aucune contribution des
économiquement actifs.
Cette universalité de la CSG ne sera pas sans conséquence. Non seulement
que des self-employed y seront assujettis, (au début, il leur sera demandé
Rs.150 par mois) mais elle visera aussi les employés de maison, notamment,
et les travailleurs au noir ou du secteur informel. A cet effet, deux nouvelles
mesures sont annoncées :
- tous les Mauriciens adultes devront avoir un tax account number émis par
le Mauritius Revenue Authority. Gare à ceux qui seront tentés par l’évasion
fiscale !
- un chèque emploi-service devra être émis à partir de septembre 2020.Le
discours du budget ne décrit pas son fonctionnement- il faudra sans doute
attendre le Finance Bill, mais le message est clair : c’est pour permettre à
ces travailleurs de bénéficier d’une pension de retraite, en plus de la
pension universelle.
Précisons que la contribution de l’employeur sera égale à 3% pour les
salaires de Rs.50 000 ou moins par an, celle de l’employé étant égale à
1,5%. Pour les salaires supérieurs à Rs.50 000, les taux respectifs seront 6%
et 3%.
On doit, certes, saluer la décision d’appliquer la CSG à tous les
économiquement actifs, et surtout à la disparition du plafond de Rs.18 740
impose par le NPF. Cela va dans le sens de l’épargne, notamment pour les
salariés d’un certain niveau, et de la responsabilisation de chaque
individu de pourvoir, selon ses moyens, à sa pension de retraite sans avoir
à tout attendre des finances publiques et de la old age pension. Cela dit,
puisqu’il s’agit d’une contribution visant à permettre de rehausser la
pension des seniors, à partir de 65 ans, l’effet épargne risque fort d’être
amoindri, sinon annulé : les seniors n’ont plus besoin de pratiquer l’épargne
à forte dose ! Il eut été autrement si la CSG devait servir à constituer un
Fonds d’investissement dont les revenus auraient servis à leur assurer une
pension de retraite adéquate.
Dans la mesure où la CSG vise à assurer à tous les Mauriciens qui auront
pris leur retraite une pension, elle mérite d’être considérée de manière
positive. Mais c’est bien dommage qu’elle fasse irruption dans un discours
du budget, sans qu’aucun partenaire social n’ait été consulté et n’ait eu
l’occasion d’apporter sa pierre à l’élaboration de ce nouveau système, et a
son insertion dans l’univers actuel des pensions. Et tout cela est proposé à
un moment où la priorité est celle d’un rétablissement vigoureux de
l’économie mauricienne, avec une décroissance annoncée de 7 % en 2020-
21. Qu’importe : les employeurs paieront les charges additionnelles- la
promesse d’une pension de retraite de Rs.13 500 doit être honorée en
2023 et le temps presse !
Comme c’est dommage que l’annonce de la pension de retraite égale à
Rs.13 500 en 2023 ne fut pas accompagnée d’une communication sur les
mesures prévues pour son financement ! Car il est permis de penser que la
CSG était déjà dans le collimateur. Mais l’électorat n’avait pas alors
compris que toute médaille a son revers.
Pierre Dinan
Le 16 juin 2020
Note 1. La pension de retraite à Rs. 13 500 en 2023 s’appliquera-t-elle à tous les seniors,
ou bien seulement à ceux âgés de 65 ans ou plus ? C’est la question qu’on se pose
lorsqu’on lit les paragraphes suivants du discours du budget ;
165. Dorénavant, toutes les augmentations des prestations pour nos seniors seront versées
par le biais d'un mécanisme entièrement nouveau.
166. Nous introduisons un système contributif, participatif et collectif, la Contribution Sociale
Généralisée (CSG).
167. Cela permettra d’assurer un revenu mensuel garanti supplémentaire aux citoyens ayant
atteint l'âge normal de la retraite, soit 65 ans.
168. Le premier paiement effectué des prestations de la CSG sera versé en juillet 2023.
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