Au nom du partage équitable à la Sécurité Sociale
Au nom du partage équitable à la Sécurité Sociale
Recours au ciblage des bénéficiaires
Les gouvernements qui se sont succédés à Maurice depuis l’accès à
l’indépendance en 1968 ont, tous, mis l’accent sur l’aide sociale aux
citoyens. Cette aide se présente sous diverses formes, dont les plus
importantes sont la gratuité des soins médicaux et de la scolarité, les
pensions de retraite aux personnes âgées, et des aides, sous la forme
de pensions, à des orphelins, des handicapés, des veuves, et ainsi de
suite. Certaines de ces aides sont ciblées, c’est-à-dire que les
bénéficiaires doivent remplir des conditions définies au préalable,
tandis que d’autres sont offertes à tous les citoyens, sans condition
aucune. Nous verrons tout cela en détail au cours de cet article.
Mais commençons par nous faire une idée de l’ampleur de ces aides en
les insérant dans le cadre du budget national du pays.
Le Budget de la Sécurité Sociale
(Estimations en Milliards de Roupies)
2021/22 2022/23 2023/24 2024/25
1 .Sécurité sociale 38,3 46,4 55,7 57,8
2. Total budget 189,7 216,3 210,6 239,4
3. En pourcentage % 20,2 21,5 26,4 24,1
Comme l’indique le tableau, le budget de la sécurité sociale est de
l’ordre de 200 milliards et il suit une courbe ascendante. Il est prévu
qu’il atteigne plus d’un quart du budget total des dépenses courantes
du pays, dans un très proche avenir, soit 239 milliards en 2024/25 ou
24,1% du budget courant des dépenses publiques.
Soulignons particulièrement que la composante la plus importante des
dépenses de la sécurité sociale est représentée pat le basic retirement
pension, avec une provision budgétaire de 42,79 millions en 2022/23,
soit 92.2% du budget total (46,4 millions) de la Sécurité Sociale.
Le tableau ci-dessus ne représente pas toutes les aides de type social
qui existent dans le pays. Parmi les plus importantes, citons l’éducation
et la santé gratuites. S’agissant de la Santé, il est prévu un budget
annuel de 14,7 milliards en chacun des exercices financiers 22/23,
23/24 et 24/25.Les prévisions correspondantes pour le budget de
l’Education sont égales à 18,3 milliards en 22/23, 19,1 milliards en
23/24 et 19,2 milliards en 24/25.
Comme on peut le constater à la lecture de ces estimations
prévisionnelles émanant du ministère des Finances, à lui seul, le
budget global de la Sécurité Sociale, durant le présent exercice financier
2022/23, soit 46,4 milliards, dépasse largement la somme des budgets
de l’Education et de la Santé, soit 33 milliards (14,7 plus 18,3).Et,
comme l’a déjà été souligné, le basic retirement pension constitue plus
que neuf-dixièmes du budget de la Sécurité Sociale.
Tels sont les chiffres. Qu’en est-il des bénéficiaires de ces aides ?
C’est, ici, que nous abordons le cœur du propos de cet article sur le
ciblage. Soulignons que le ciblage est ici entendu comme étant le
moyen par lequel toute aide financière émanant du Trésor Public est
acheminée vers les citoyens qui en ont besoin, car il ne leur est pas
possible de s’en procurer autrement. Deux principes sont à la base du
recours au ciblage. Premièrement, il s’agit d’aider ceux qui en ont
vraiment besoin pour vivre, sinon pour survivre, dans des situations
graves. Deuxièmement, il s’agit de ne point aider financièrement tout
citoyen ayant déjà des moyens financiers pour recourir aux services de
l’Etat. Car les finances publiques dépendent très largement des taxes
prélevées de tous les citoyens, aussi bien leurs gains et salaires que
leurs consommations diverses.
En conséquence, ces finances publiques doivent être gérées le plus
efficacement et honnêtement possible, et c’est une tache confiée au
Director Of Audit, dont les rapports annuels restent malheureusement
souvent lettre morte.
Deuxièmement, il est du devoir des gestionnaires de ces finances de les
utiliser pour le bien de tous les citoyens, hors de toute arrière-pensée
électoraliste, et de s’assurer que les citoyens dépourvus de moyens
financiers adéquats reçoivent des aides correspondant à leurs besoins
de base.
Quels sont ces besoins ? Ce sont ceux qui sont basiques à tout être
humain afin qu’il puisse vivre comme un humain. Nourriture, logement,
vêtements, santé, éducation et formation….
A Maurice, la gratuité des soins et de l’éducation/formation fait partie
du paysage depuis fort longtemps, et il ne reviendra à personne de
vouloir modifier cette situation. Mais le paradoxe est celui-ci : des
cliniques payantes cohabitent avec les hôpitaux gratuits, il en est de
même pour des écoles et collèges payants avec ceux qui sont gratuits.
Tant mieux. Ainsi, le citoyen mauricien qui en a les moyens choisit en
toute liberté de recourir à des services payants de soins de santé,
d’écolage et de formation. La question de ciblage est automatiquement
réglée par le citoyen lui-même. Il en est de même pour la nourriture et
le logement : le consommateur choisit d’avoir recours à des produits et
services subventionnés, selon ses préférences, mais aussi ses moyens.
Le ciblage : un recours possible.
Deux évènements récents sont venus modifier le paysage mauricien en
termes de ciblage. Premièrement, le BRP (Basic Retirement Pension) qui
était déjà offert à tous ceux ayant atteint l’âge d’en bénéficier a été
rehaussé substantiellement et le sera davantage, si les promesses
électoralistes sont exécutées. Deuxièmement, les perturbations
commerciales résultant du COVID et de la guerre en Ukraine ont
déclenché une inflation des prix à l’échelle mondiale avec des
conséquences néfastes dans notre pays, comme ailleurs dans le monde.
Ce concert assourdissant de prix en hausse, particulièrement pour la
nourriture et d’autres services essentiels, à pousser les autorités
publiques de la République à avoir recours à des aides de toutes sortes.
Certaines de ces aides sont ciblées, notamment celles qui consistent à
offrir un complément de salaires à des personnes dont le salaire
mensuel est inférieur à un certain seuil. Pareillement cible, faudrait-il
écrire, car le père de famille a certainement besoin davantage que le
célibataire !et que penser de ces aides accordées sans considération
aucune de la situation financier des récipiendaires ? La gratuites
offertes par la CWA et le CEB viennent à l’esprit. De même que le BRP,
déjà évoqué plus haut.
Non seulement, des aides financières sont accordées à des citoyens qui
n’en ont pas besoin, mais les aides accordées auraient pu être accrues
pour ceux qui en ont vraiment besoin. C’est pourquoi la réalité des
chiffres et de l’évolution de l’économie mondiale indiquent clairement
que nous devons nous acheminer vers l’adoption d’une politique de
ciblage. Aidons ceux qui en ont vraiment besoin, et faisons-le le plus
efficacement possible.
Comment s’y prendre ?
Il ne suffit pas de parler de recours au ciblage, il faut se donner les
moyens de le faire. Rappelons qu’il y a environ une dizaine d’années, le
gouvernement d’alors avait voulu introduire le ciblage pour le BRP et
que des formulaires étaient à la disposition de ceux qui estimaient
qu’ils pouvaient prétendre a une aide de l’Etat. Malheureusement, tout
le projet a été mis au frigo, les autorités d’alors ayant rencontré une
forte opposition à leur projet.
Si le gouvernement finit par se rendre compte, en ces temps difficiles,
que le ciblage est une voie efficace à suivre, il doit s’organiser.
- Ouvrir un Bureau dédié à recevoir tous ceux qui estiment qu’ils
ont droit à une aide gouvernementale, telle que le BRP, des
subventions par rapport à la consommation de l’eau et de
l’électricité, des suppléments de salaires, et ainsi de suite.
- Il reviendra à ce bureau de mener des enquêtes serrées sur les
prétentions du demandeur, lequel devra fournir des preuves de
ce qu’il avance.
-Ces enquêtes gagneraient à être menées par des professionnels
indépendants et reconnus par la communauté mauricienne. Leur
tâche sera de s’assurer du bien-fondé des demandes, afin que l’aide
soit accordée uniquement à des méritants et a un taux susceptible de
les secourir de manière raisonnable. Il va de soi que le bureau et les
professionnels sauront avoir recours à des méthodes éprouvées qui ont
fait leurs preuves pour dépister des fraudeurs.
Ce qui est proposé ci-dessus requiert du temps pour sa mise en place.
C’est pourquoi il devrait être déjà annoncé et des mesures prises pour
sa mise en place, dans les meilleurs délais, afin que le ministre des
Finances puisse, à l’heure de la présentation du budget 2023-24 en
mai/ juin prochain , annoncer sa future politique en terme de ciblage
et présenter des estimations du cout des aides diverses présentement
accordées à la population, sans considération aucune de leurs situation
financière. Et il pourra même, en conséquence de ces travaux de
ciblage, annoncer des augmentations pour ceux qui auront survécu à
l’exercice de vérité.
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