La quadrature du cercle
La quadrature du cercle
Cette semaine, à l’Assemblée Législative, ont été communiquées deux
nouvelles d’un intérêt certain pour les Mauriciens qui sont assujettis à
des taxes, c’est-à-dire la quasi-totalité des adultes de ce pays.
La première nouvelle concerne le fonds, dénommé CSG (Contribution
Sociale Généralisée), lequel existe depuis 2020, avec comme objectif
de remplacer le NPF (National Pensions Fund). On sait que le NPF avait
comme objectif de gérer des investissements dont les produits
financiers servaient à payer les pensions ( old age pensions) des
Mauriciens, d’année en année. Il nous a été dit que, selon les
prévisions d’alors, le NPF ne disposerait pas, durant les années à venir,
de suffisamment de revenus pour remplir son rôle de financement de
pensions aux Mauriciens. Il fut donc décidé de mettre le NPF sur une
voie de garage et de le condamner à une mort lente.
Et bienvenue à la CSG !! Depuis 2020, elle a récolté quelque 25,8
milliards de roupies des employeurs de ce pays, petits et grands
confondus. C’est le ministre des Finances qui nous communique cette
nouvelle. Et puis cette bombe, du même ministre : le Fonds est vide !!
Des contributions, supposément prélevées auprès des employeurs afin
d’assurer une pension de retraite à leurs employés, ont été versées au
Consolidated Fund, et au lieu d’être placées dans des investissements
rémunérateurs, elles ont été détournées à d’autres fins, notamment
pour le paiement des aides sociales à divers groupes de Mauriciens. La
tentation était beaucoup trop grande : comment résister à plonger la
main tout de suite dans un coffre destiné à amasser des ressources
pour des engagements financiers dans les années à venir ! Voilà un
frappant exemple de la priorité du tout, tout de suite par rapport à la
patience et au planning associés à des actions à moyen et à long terme.
Que les futurs contribuables, surtout les plus jeunes, en prennent
conscience : il leur reviendra de remplir les caisses du Trésor Public en
vue du paiement des pensions des personnes âgées. Ils feront ainsi
connaissance avec les conséquences du fameux dicton : après moi le
déluge !
La deuxième nouvelle nous a été transmise par Madame le ministre du
Commerce. Les droits d’accise, notamment sur l’alcool et les
cigarettes, taxes prélevées au titre de la TVA (taxe sur la valeur
ajoutée), et les droits de douane contribuent au financement de la
machine gouvernementale, mais aussi à l’aide sociale accordée aux
citoyens démunis. Cela, on le savait. Mais, il faut davantage interroger
les chiffres, tels que présentés dans les tableaux constituant les
estimations budgétaires. C’est ainsi que les recettes budgétaires pour
l’exercice 2023-24 sont estimées à 156,2 milliards, dont 67%, soit 104,5
milliards, proviendront des taxes prélevées sur les marchandises et les
services que doivent se procurer les habitants pour leurs besoins
journaliers, de semaine en semaine et de mois en mois. Et ces taxes-là
sont prélevées auprès de tous les Mauriciens, sans que soit prise en
compte leur capacité à les acquitter chez le marchand. L’exemple
correspondant le mieux à ce type de situation est la TVA, mais aussi la
taxe sur le carburant .Un terme technique s’applique à ce type de
prélèvements auprès des utilisateurs et des consommateurs : ils sont
appelés taxes indirectes, lesquelles frappent le contribuable
indépendamment de la capacité de celui-ci à y faire face.
Ainsi, 67% des taxes imposées à la population mauricienne durant
l’exercice 2023-24 seront de nature indirecte. Et le solde, égal à 33%,
sera composé de taxes directes. Celles-ci sont imposées au
contribuable selon sa capacité à les payer, c’est-à-dire selon les revenus
dont il dispose. Le meilleur exemple de ce type de taxe est celui qui
frappe les salaires selon leur volume et les obligations du contribuable.
Elle est connue sous le vocable: income tax. De même, l’entreprise
assujettie à l’income tax sera autorisée à frapper contre ses revenus
bruts toute dépense et toute provision légitime avant que ne soit
calculé le montant à acquitter au titre de l’impôt. Il n’échappera à
personne que les taxes directes sont beaucoup plus justes que les
taxes indirectes.
Et cette situation n’est pas que passagère ! Toujours selon les
prévisions budgétaires, les pourcentages pour les exercices 2024/25 et
2025/26 seront toujours du même ordre, soit approximativement
31,5% pour les taxes directes et 68 ,5% pour les taxes indirectes. Ce
n’est pas de sitôt que sera inversée la tendance actuelle de la
prééminence des taxes indirectes sur les directes.
On peut alors se poser la question suivante : pourquoi ne pas redresser
la barre, surtout quand le message ministériel est le souci de venir au
secours des démunis ? C’est que le messager a les mains liées. S’il se
met à augmenter les taux de l’income tax afin de redresser la balance,
s’il introduit une taxe sur le capital, ce qui affecterait négativement les
contribuables à revenu relativement élevé, mais rehausserait la
proportion des taxes directes par rapport à celles des taxes indirectes, il
atteindra son but.
Mais attention : il ira à l’encontre du message qu’il transmet aux riches
investisseurs étrangers qu’il courtise ardemment avec des offres de
faible fiscalité et des facilités de citoyenneté et de résidence. Mais
pourquoi ne pas constituer deux familles de contribuables, les
autochtones et les étrangers ? Taxer ceux-ci faiblement et ceux-là
ardemment ! Voie impossible à emprunter ! Ce serait contraire aux
règlements fiscaux internationaux et la juridiction mauricienne serait
mise à l’index ! Et les 46, 6 milliards de roupies contribuées par ce
secteur de finances transfrontalières à notre gâteau national en 2023,
soit presque autant que l’apport du tourisme (47.4 milliards), tout cela
serait en grand danger de mort ! Une réelle quadrature du cercle : pile
je gagne, face tu perds !
On ne doit pas baisser les bras devant de telles constatations. Il y a une
autre voie à emprunter, c’est celle d’une utilisation efficace et
intelligente de nos ressources naturelles et une volonté ferme de
chaque Mauricien adulte et disposant de toutes ses facultés de les
mettre au service du pays, sans chercher à être rétribué d’avance ou à
se voir offrir des faveurs non méritées.
Et au niveau de ces ressources, comment ne pas regretter que nous ne
tirons toujours pas partie de toute cette superficie marine mise à
notre disposition par les Nations-Unies !
Nous sommes à la croisée des chemins. Cela s’applique autant aux
gouvernants qu’aux gouvernés :
-aux gouvernants, car il est de leur devoir de mener ce pays à bon port,
et surtout de tracer une voie de prospérité et d’entente mutuelle pour
chacun de ses citoyens, sans distinction aucune.
-aux gouvernés, car au lieu de tendre une main de mendiant en toute
occasion, il est de notre devoir de nous comporter en des citoyens
adultes, désireux d’apporter, selon nos moyens respectifs, une
contribution positive au développement humain de notre pays.
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