La foire aux cadeaux
La foire aux cadeaux
Il n’y a pas de jour qui passe sans qu’on entende évoquer la possibilité
de se voir offrir un cadeau. La publicité en est friande : viens durant ce
weekend t’acheter un bel objet pour ton confort, et nous te remettrons
un cadeau en remerciement, à travers soit une réduction du prix
d’achat, soit l’offre d’un objet-souvenir. Et nous voilà partis pour
bénéficier de cette aubaine à laquelle nous ne nous attendions pas.
Cette constatation doit nous pousser à réfléchir sur ce que notre
civilisation moderne entend par l’offre de cadeaux. Quelle en est la
pratique ?
- Il y a les cadeaux que l’on s’offre en famille ou entre amis,
lorsqu’un proche fête son anniversaire. C’est un moyen élégant de
lui exprimer des vœux de bonheur et de le féliciter, au moment
où il aborde une nouvelle année dans sa vie.
- Il en est de même pour un couple au moment de ses noces.
- C’est aussi par l’offre d’un cadeau que l’on félicite un parent, un
proche ou un ami, lorsque, elle ou lui, réussit un examen, réalise
un exploit quelconque dans une discipline sportive ou autre, ou
fête plusieurs années d’affilée dans un poste de responsabilité.
- Il y a aussi ces cadeaux que l’on offre à l’occasion de fêtes
célébrées à l’échelle de la planète, dont Noël est l’exemple le plus
connu.
- Et n’oublions pas ce que de nombreux pays, y compris le nôtre,
fêtent en ce dernier dimanche du mois de mai, notamment les
Mères qui , sans aucun doute, se verront offrir par leurs enfants
des cadeaux souvenirs.
Tous ces exemples témoignent de ce désir de marquer un évènement
touchant un parent, un ami, un collègue, bref quelqu’un avec lequel on
a un lien d’amitié ou d’intimité. Ils sont aussi dépourvus de toute
arrière-pensée : celui ou celle qui offre le cadeau ne s’attend à aucun
retour de la part du récipiendaire, si ce n’est un renforcement de leurs
liens parentaux ou d’amitié.
Cadeau-appât
Revenons maintenant à la pratique du cadeau offert en remerciement
d’un achat dans le commerce. Nous sommes bien loin de ce lien
d’amitié ou d’intimité entre le donateur et le récipiendaire. C’est, en
fait, l’aboutissement d’un appel lancé par le commerçant comme un
appât pour la clientèle, lequel appel a abouti en une vente. Du point
de vue commercial, c’est tout à fait légitime, dans la mesure où c’est
une forme de publicité. Mais il est important que le récipiendaire se
rende bien compte de la nature du geste fait à son égard : le cadeau
aurait pu être sous la forme d’un prix de vente moins élevé que celui
qui a été réclamé, si le commerçant n’avait pas eu à encourir des frais
de publicité et d’achat de cadeaux pour attirer la clientèle.
Soyons donc prudents et ne succombons pas, aveuglément, à des
publicités qui mettent un accent parfois démesuré sur des cadeaux
offerts en retour d’une quelconque transaction.
Promesses de cadeaux
Une autre déviation dans l’utilisation du mot : cadeau à son origine
dans les pratiques électorales. Quand ils rédigent leur programme de
gouvernement pour le communiquer aux électeurs, les partis politiques
ne manquent pas de promettre aux futurs électeurs qu’ils leur
offriront des possibilités d’améliorer leur situation financière. Rien de
mal, pensera-t-on, c’est tout à fait légitime de gouverner un pays avec
l’objectif d’améliorer sa situation économique et financière. Sauf que la
tentation est grande chez des partis politiques de tout présenter
comme un cadeau de leur part à l’électorat auquel ils s’adressent .Ils se
présentent ainsi comme ayant une touche magique qui leur permet
d’offrir ces cadeaux, sans avoir à se soucier des moyens à mettre en
œuvre pour se les procurer en amont. Voilà bien un autre exemple de
cadeau-appât.
Cadeaux politiques
Terminons cette réflexion sur les soi-disant cadeaux en rappelant que
les partis politiques eux-mêmes reçoivent des cadeaux. Mais toute
tentative de les obliger à en soumettre les détails a la Commission
Electorale a jusqu’ici échoué.
Notons, toutefois, qu’il y a, en attente de débat à l’Assemblée
Législative, une proposition de loi (un Bill, intitulé The Political
Financing Bill 2024). Il prévoit, entre autres, que les partis politiques
devront rendre compte des contributions reçues des entreprises, celles-
ci étant également dans l’obligation de faire part de leurs donations
politiques, moyennant un certificat de vérification émanant d’un
cabinet d’experts-comptables, ceux-là mêmes qui sont autorisés, par le
Companies Act, à signer les comptes des entreprises. Souhaitons que
ce Bill soit voté par l’Assemblée Législative, moyennant une
approbation par une majorité de trois-quarts. Souhaitons que ce projet
de loi puisse, sans tarder, faire partie de notre arsenal législatif, alors
que son prédécesseur, datant de 2019, ne vit jamais le jour, faute
d’avoir obtenu une majorité égale à au moins trois-quarts des députés
siégeant à l’Assemblée Législative.
Si cette loi voit le jour, ces cadeaux-là seront sous le régime de la
transparence, laquelle est une caractéristique essentielle pour une
gouvernance qui soit pour le bien de la population tout entière, et non
uniquement pour des donateurs cachés dans l’anonymat en
s’attendant à des retours d’ascenseur.
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